La guerre en Yougoslavie et la fragmentation de la région en 7 nouveaux États ont complètement bouleversé l’équilibre et ont eu de graves conséquences à plusieurs niveaux. D’une part, cela n’a pas permis de résoudre l’énorme traumatisme subi par la population et en particulier les femmes, qui ont dû faire face au viol comme arme de guerre. De l’autre, leur identité a explosé et une nouvelle identité, fermée et brisée, s’est construite.
Mais ce déni de traumatisme ainsi que la construction d’une identité nationaliste meurtrière, alliés à un système dans lequel les intérêts de la justice ont été sacrifiés aux intérêts politiques, ont conduit à une réappjopriation incroyablement positive de la voix des femmes.
Avec la fin de la guerre, les femmes de la région ont rapidement commencé à travailler ensemble sur ce traumatisme commun.
Leur travail s’est déroulé à deux niveaux :
- d’une part, la remise en question de cette nouvelle identité visant à les diviser ;
- d’autre part, la lutte contre l’oubli des atrocités commises pendant la guerre.
Les associations de femmes de la région des Balkans se sont, dans un premier temps, organisées au niveau local pour accompagner les survivantes et prendre en charge leur processus de guérison. Dans un second temps, elles se sont rencontrées afin de faire aboutir une stratégie régionale et mettre en place une approche féministe de la justice pour toute la région.
Enfin, 9 associations de femmes provenant des 7 pays, accompagnées par le FFMed dans l’ensemble du processus d’organisation et le financement des déplacements des participantes, ont réussi à créer un Tribunal des femmes, qui s’est tenu à Sarajevo en 2015.
Le but du Women’s Court :
- Juger les auteurs de crimes de guerre, entraînant un procès symbolique ;
- recueillir des témoignages de toutes sortes de violence de la part des victimes survivantes parmi les 7 pays en temps de guerre et de paix, pour légitimer leur voix et démontrer la persistance de l’injustice qui continue de jeter un pont entre la guerre et l’après-guerre.
Les femmes des Balkans ont finalement réussi à créer un réseau autonome de femmes fondé sur le soutien mutuel, la solidarité et le renforcement d’un réel mouvement de femmes qui avait éclaté avec la guerre. Toutes ensemble, elles continuent de travailler pour la reconnaissance gouvernementale des victimes.
En parallèle, plusieurs activités éducatives ont été mises en place : des séminaires, des formations, des événements artistiques et des réunions de discussion régionales.
Depuis, plus de 40 tribunaux pour femmes se sont tenus dans le monde entier. Reconnus comme d’importants outils pour l’autonomisation des premières victimes de la guerre, les femmes, ils leur ont permis de devenir des leaders dans la création de pratiques juridiques singulières et équitables ainsi que des défenseuses de la justice pour parvenir à une paix durable.