LA CONVENTION D’ISTANBUL, QU’EST-CE-QUE C’EST ?
C’est la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, soit un traité fondamental contre les violences faites aux femmes. C’est l'instrument juridique international le plus ambitieux visant à établir des obligations contraignantes pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes.
La Convention d’Istanbul a été ouverte à la signature le 11 mai 2011 en Turquie à Istanbul et a vu 34 pays du Conseil de l’Europe la ratifier depuis.
EN QUOI LA CONVENTION D’ISTANBUL EST-ELLE UNE AVANCEE IMPORTANTE ?
Elle reconnaît les violences à l'égard des femmes comme une violation des droits humains et une forme de discrimination à l'égard des femmes. Elle met les États dans l’obligation de prendre des mesures adéquates face à ces violences et ils engagent leur responsabilité s’ils ne le font pas.
La Convention introduit en outre un certain nombre de nouvelles infractions pénales, comme les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le harcèlement sexuel, l’avortement et la stérilisation forcés.
C’est également le premier traité international qui définit le terme de "genre".
QUELLES SONT LES OBLIGATIONS DES ETATS SIGNATAIRES ?
La Convention d’Istanbul est contraignante et crée un cadre juridique complet pour combattre les violences. Les États signataires sont soumis à un devoir de :
- Prévention : former les professionnels en contact avec les victimes, sensibiliser aux différentes formes de violence, inclure dans les programmes scolaires du matériel d’enseignement sur les questions d’égalité….,
- Protection : accompagner psychologiquement et juridiquement les victimes et leurs enfants, créer un nombre suffisant de centres d’hébergement et un numéro d’aide d’urgence gratuit et disponible 24h/24…,
- Poursuites : faire en sorte que les violences à l’égard des femmes soient érigées en infraction pénale et punies, veiller à ce que les excuses motivées par la culture, la tradition, la religion ou "l’honneur" ne soient acceptables pour aucun acte de violence, fournir aux victimes des mesures de protection spéciales durant l’enquête et la procédure judiciaire…,
- Politiques intégrées : veiller à ce que les mesures ci-dessus fassent partie d’un catalogue de politiques globales et à ce qu’il offre une réponse globale à la violence à l’égard des femmes et aux violences domestiques.
QUI EVALUE LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION D’ISTANBUL ?
La Convention d’Istanbul a instauré un mécanisme de suivi afin de définir dans quelles conditions ces mesures sont appliquées. Deux acteurs veillent à cela :
- Le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) : un organe d’experts indépendants,
- Le Comité des Parties : composé de représentants officiels des États parties à la Convention.
QUELLES SONT LES RESISTANCES AU NIVEAU EUROPEEN ?
Jusque là, aucun texte législatif spécifique de l’UE ne traitait de manière exhaustive les questions de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique. En 2022, la Commission européenne a proposé des règles à l’échelle de l’Union européenne pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. Une Directive alignant des mesures fondées sur les recommandations du GREVIO devrait être votée en juin 2023 : elle sera le premier acte abordant spécifiquement ce type de violence.
Le Fonds pour les Femmes en Méditerranée, les fonds féministes européens, le grand réseau WAVE (Women Against Violence Europe), en collaboration avec d’autres actrices des mouvements des femmes européens, ont particité en 2022 à plusieurs consultations de la société civile sur le contenu de la Directive. Nous avons toutes fortement insisté sur la question de la prévention, trop négligée dans la Directive et pourtant absolument prioritaire si l’on veut réellement remédier aux violences faites aux femmes. Mais la question des violences faites aux femmes se heurte à beaucoup de résistances, selon les pays et les courants politiques, qui s’expriment ensuite au Parlement européen.
Cette semaine, une large majorité du Parlement européen vient de voter en faveur de l'adhésion de l'UE à la Convention d’Istanbul. Six pays (Bulgarie, Tchéquie, Hongrie, Lettonie, Lituanie et Slovaquie) ont refusé de la ratifier. Ces pays dénoncent entre autres la mention du mot "genre" dans ce traité, et l'incitation à promouvoir dans les programmes d'enseignement "les rôles non stéréotypés des genres".
Ces refus de voir inscrire dans les textes la protection des femmes contres les violences qui leur sont faites démontrent à quel point l’avancée concernant les droits des femmes n’est pas linéaire : les droits acquis au fil des siècles (même protégés par la constitution des Etats) restent toujours menacés. C’est pourquoi il est si important de soutenir les associations de défense des droits des femmes qui oeuvrent pour une société plus juste et harmonieuse.
Sources :
- Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), Violence à l’égard des femmes : une enquête à l’échelle de l’UE, [consulté le 10 mai 2023]
https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra-2014-vaw-survey-at-a-glance-oct14_fr.pdf
- "10 ans de la Convention d'Istanbul" [en ligne], Conseil de l'Europe, 2021 [consulté le 10 mai 2023]
https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/10th-anniversary
- Conseil de l'Europe, La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, [consulté le 10 mai 2023]
https://rm.coe.int/instabul-convention-leaflet/1680464e98